Face à la logique disruptive des agents IA, Kingfisher se montre offensif

03/12/2025

Alors que l’IA agentique bouleverse le commerce en automatisant recherche, recommandation et achat, Kingfisher fait un choix singulier : réinventer le magasin comme cœur battant de l’expérience client. Le groupe articule e-commerce, marketplace, et conseil client grâce à une stratégie data-driven. Romain Roulleau, Directeur Digital et E-commerce du groupe, explique pourquoi Kingfisher ne craint pas la nouvelle ère de l’IA agentique, en misant sur la croissance et l’innovation. 

Comment transformer la complexité omnicanale en avantage compétitif ?

Romain Roulleau – Il y a encore vingt ans, seul le magasin comptait ! Depuis l’irruption du digital, les canaux se sont multipliés : e-commerce, puis réseaux sociaux. C’est un nouveau niveau de complexité à gérer, à la fois pour le client et pour le retailer. Face à cela, nous avons un parti pris chez Kingfisher : placer le magasin au cœur de notre organisation. Même si le e-commerce atteint déjà 20 % de notre activité et pourrait passer à 30% à long terme, chaque brique digitale est pensée avec le magasin, et non en parallèle. Par exemple, chez B&Q, leader du Do-it-Yourself en Grande-Bretagne, les clients peuvent retourner en magasin des produits achetés auprès de vendeurs tiers sur la marketplace. Sur ces plateformes, les vendeurs tiers, nos partenaires, restent propriétaires de leurs stocks. C’est un investissement opérationnel (zones de stockage, procédures de réception des colis, communication avec le partenaire) mais il renforce la confiance et la fréquentation. C’est d’autant plus nécessaire dans le bricolage, où les clients recherchent des conseils, du choix et des échanges.

Les marketplaces : relais de croissance incontournable ou risque de cannibalisation ?

R.R – Des risques existent, certes. B&Q propose deux millions d’articles vendus par des tiers (3P) sur sa marketplace, contre 30 000 à 40 000 produits vendus en propre sur son site. Mais ce canal de distribution présente de réels avantages. Il permet d’atteindre une clientèle qui ne fréquentait pas nos enseignes, d’accroître le trafic sur notre site e-commerce et de générer des achats complémentaires sur nos propres produits. Deux chiffres illustrent cette tendance : 15 à 30 % des clients de la marketplace Castorama.fr n’étaient pas des clients historiques de l’enseigne ; et chez B&Q, 50 % du volume réalisé en e-commerce provient de la marketplace. En Grande-Bretagne, notre système de « click & collect », désormais accessible aux vendeurs tiers, renforce ces synergies. Le « clic » peut se faire sur la marketplace et le « collect » en magasin : une occasion supplémentaire de générer des ventes additionnelles lors de la visite des acheteurs. Au final, les deux canaux stimulent les volumes et la croissance.

Comment la donnée vous aide-t-elle à réinventer la fréquentation et la fidélité en magasin ?

R.R – La data est clé. Elle présente des avantages pour les clients — aide à l’achat, avantages fidélité, coupons personnalisés — comme pour les retailers. C’est le combustible qui nous permet d’augmenter la valeur client et le trafic en magasin. Aujourd’hui, 50 % de nos moyens marketing sont digitalisés. Les applications remplacent le prospectus traditionnel, ce qui nous permet de mesurer davantage de points de contact et d’analyser la fréquentation on et off line. Nous pouvons ainsi proposer des offres personnalisées, anticiper certains achats et éviter de bombarder nos clients de promotions uniformes.

Les agents IA pourraient devenir les nouveaux prescripteurs du commerce. Comment vous préparez-vous à cette évolution ? Quel est, pour vous, le chantier digital le plus stimulant aujourd’hui chez Kingfisher ?

R.R – Il y a trois ans, lors de la déferlante ChatGPT, nous avons pris cette évolution très au sérieux. C’est ainsi qu’a été lancé Hello Casto, un agent conversationnel construit avec l’IA, capable de répondre à des questions variées. Sur Castorama.fr, l’avatar rencontre un grand succès : il gère 500 000 conversations par mois. Cela dit, l’ère des agents IA, capables d’agir en autonomie, s’annonce. Comme sur l’extension de Chrome Web Store, ils pourront chercher, comparer et même acheter pour le client dans un futur proche. Cette logique « agentique » est à la fois critique et disruptive. C’est pourquoi nous devons rester actifs et offensifs sur ce terrain : pour ne pas subir, et surtout, ne pas passer à côté des opportunités qu’elle ouvre.

Bio de Romain Roulleau 

Romain Roulleau est un leader reconnu dans le domaine du marketing et du digital avec plus de 25 ans d'expérience. Il a débuté sa carrière chez Raja, où il a lancé l'une des premières plateformes e-commerce BtoB européennes, puis a dirigé le digital pour des grands groupes comme Accor ou à la SNCF à l’international. En 2019, il rejoint le comité de direction de Kingfisher France pour diriger les activités marketing, digitales et clients de Castorama et la stratégie Digital & Data pour la France (Castorama et Brico Dépôt). Depuis le 2 janvier 2025, Romain Roulleau est Directeur Digital et E-commerce du Groupe Kingfisher.

N°1 européen du bricolage, N°3 mondial

CA 2024-2025 : 12,8 milliards £

Réseau : 1 900 magasins (Royaume-Uni, Irlande, France, Pologne, Espagne et Portugal)

Effectifs : 74 000 collaborateurs

Enseignes : B&Q, Screwfix, Castorama, Brico Dépôt, TradePoint et Koçtas

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