Sophie Lacoste-Dourmel (Fusalp) : « Nous avons choisi la montée en gamme plutôt que la course au volume »

23/09/2025

Reprendre une marque patrimoniale, la hisser dans le haut de gamme puis l’installer dans les capitales mondiales : c’est le pari relevé par Sophie Lacoste-Dournel, coprésidente de Fusalp, avec son frère et sa belle-sœur. Elle défend un modèle familial fondé sur la confiance, enrichi par une gouvernance ouverte, et raconte une transformation qui conjugue élégance alpine et ambition internationale.

Vous avez relancé Fusalp en famille. Qu’est-ce que cette aventure a changé dans vos décisions stratégiques ? 

Sophie Lacoste-Dournel – Nous avons repris Fusalp en 2014, à un moment où l’entreprise, porteuse d’une histoire prestigieuse, avait perdu de sa vigueur. Avec mon frère Philippe et ma belle-sœur Mathilde, qui est directrice artistique, nous avons voulu remettre cette Maison sur les rails. Nous nous sommes réparti les tâches de façon naturelle : Mathilde définit la vision créative, Philippe et moi nous partageons la présidence, chacun avec nos sensibilités, et nous avons confié la direction générale à Alexandre Fauvet, l’ancien directeur exécutif Lacoste. Ce qui change fondamentalement dans une gouvernance familiale, c’est la qualité de la confiance. On se connaît bien, on se respecte profondément, et cela permet de prendre des décisions rapidement, sans jeu de pouvoir inutile. Cette solidarité a été une force dans les moments difficiles. 

 

Vous avez choisi d’ouvrir votre gouvernance. Est-ce une nécessité pour devenir global ?

S. L.-D. – Au bout de cinq à six ans, nous avons ressenti le besoin d’élargir nos réflexions. Nous avons ouvert notre capital, tout en restant majoritaires, à des personnes proches de notre univers, comme la famille Meyer Louis-Dreyfus et l’institution financière Mirabaud. Leur présence apporte un regard extérieur qui nous oblige à nous dépasser. Il ne s’agissait pas de « lâcher » quelque chose, mais au contraire de renforcer notre exigence dans la montée en gamme de la marque. Quand on transforme une marque patrimoniale française en Maison globale, c’est important d’avoir un cercle de décision diversifié, qui combine la mémoire familiale et une ambition internationale.

 

Quelles ont été les étapes clés du repositionnement ? Et quels sont vos prochains projets ? 

S. L.-D. – Fusalp existait dans le milieu de gamme, mais ce modèle n’était plus viable. Comme nous ne voulions pas courir après le volume, nous avons choisi la montée en gamme. La première étape a été de repenser entièrement la plateforme de marque et d’affirmer une identité claire : élégance alpine, technicité héritée des sports d’hiver et exigence de la haute couture française. Nous avons aussi remis à l’honneur le logo originel bleu-blanc-rouge avec le coq, symbole de fierté. Ensuite, nous avons ouvert nos propres boutiques pour déployer pleinement cette vision. Après un flagship à Paris, nous nous sommes implantés dans des stations emblématiques comme Courchevel ou Verbier, en Suisse. L’international s’est imposé naturellement : Londres, la Corée du Sud et aujourd’hui les États-Unis, notre gros chantier. Nous voulons prouver que Fusalp peut séduire aussi bien les citadins en quête d’élégance que les skieurs les plus exigeants.

 

En quoi le fait d’être une femme a-t-il influé votre style de management ?

S. L.-D. – Bien sûr, être une femme influence forcément ma façon de diriger, même si je n’ai pas de point de comparaison personnel. J’essaie d’apporter de la sérénité, de la joie et une approche peut-être plus collaborative. Dans un écosystème encore très masculin, c’est à la fois un atout et un défi. Un atout, parce que la place des femmes est de plus en plus valorisée et que ma voix peut porter différemment. Un défi, car nous restons trop minoritaires : il n’est pas rare que je sois la seule femme autour de la table ! J’utilise ma position pour promouvoir d’autres femmes, notamment dans l’entrepreneuriat, où l’accès au financement reste un obstacle majeur. Seuls 2% des fonds sont attribués à des projets cofondés par des femmes, c’est à peine croyable ! J’interviens donc dans des jurys ou auprès d’investisseurs pour rappeler que le talent n’a pas de genre.

 

Parcours

Issue de la famille fondatrice de Lacoste, dont elle a dirigé le conseil d’administration jusqu’en 2014, Sophie Lacoste-Dournel est coprésidente de Fusalp, une marque patrimoniale française créée en 1952 qu’elle a reprise avec son frère et sa belle-sœur. Engagée pour la place des femmes dans l’entrepreneuriat, elle défend un management collaboratif de long terme.

 

Crédit photo : ©JGlassberg