Consommation : les 4 révolutions de la confiance qu’attendent les clients

22/02/2018

À l’ère des « fake news » et des scandales sanitaires, les consommateurs n’ont jamais été autant en quête de transparence et d’authenticité. De nouvelles règlementations entrent en vigueur pour restaurer leur confiance. La balle est désormais dans le camp des marques… Après le « no canal », 2e épisode de notre série Révolutions.

Retrouver la confiance dans les produits

À qui se fier ? Les crises se succèdent dans tous les secteurs. Poudre de lait contaminée chez Lactalis, soupçons d’obsolescence programmée chez Apple ainsi que chez les grands constructeurs d’imprimantes, présence de perturbateurs endocriniens dans certains emballages, Dieselgate dans l’industrie automobile… En toute logique, la confiance des consommateurs dans les marques est au plus bas. C’est tout particulièrement vrai en France. Selon les derniers résultats de l’étude internationale Authentic Brand 100, seuls 7 % des consommateurs français considèrent que les marques sont ouvertes et honnêtes. Alors qu’ils sont 22 % à l’échelle mondiale.

Cette prise de distance se retrouve naturellement dans les décisions d’achats. Le bio et le local ont la cote, les consommateurs voulant s’assurer de la provenance et de la composition des produits. Signe de cette défiance, « les consommateurs se détournent des grandes entreprises », nous explique dans une interview Pascale Hébel, responsable du pôle Consommation du Credoc.

Cette tendance trouve des traductions extrêmes. Aux États-Unis par exemple, « les élites californiennes s’arrachent depuis quelques mois la ‘Raw water’, une eau ‘brute’ dont la qualité n’est pas contrôlée par les autorités sanitaires », indique en janvier 2018 Le Figaro. Dans la Silicon Valley, le dernier must est en effet de boire de l’eau de source non filtrée et non traitée. Les ventes explosent et des entreprises font fortune, cette eau « brute » étant vendue 4 € pour un litre avec le récipient. Le concept séduit de riches consommateurs en quête d’un lien plus pur avec la nature… oubliant que l’eau non traitée peut contenir bactéries, parasites, ou encore déjections animales.

Sans atteindre de tels extrêmes, les pratiques « do it yourself » ont le vent en poupe en France. D’après Kantar Worldpanel, les Français sont de plus en plus nombreux à faire du jardinage, ce qui permet à la fois des économies et de s’assurer de la provenance des légumes consommés. « Le fait maison opère aussi une percée dans les cosmétiques », relève le journal Les Échos. Faire soi-même sa crème de jour, son rouge à lèvres ou son dentifrice à partir de produits naturels est de plus en plus répandu grâce à des marques pionnières comme Aroma-Zone qui accompagnent les consommateurs. Une tendance portée par la crise, « et surtout par une certaine défiance des consommateurs à l’égard de la composition des produits, après les débats sur le parabène ou les perturbateurs endocriniens », analyse le journal Les Échos.

Même s’il est défendu par de grandes enseignes comme Leclerc ou Système U, le créneau de la transparence sur la composition et la provenance des produits est surtout occupé aujourd’hui par des marques « neuves », comme « C’est qui le patron ? » ou des marques « digital natives ». Aux États-Unis, Michael Preysman, le fondateur d’une de ces startups, Everlane, a même développé le concept de « Radical Transparency ». À retrouver dans notre article « Transparence : des marques ‘digital natives’ lèvent le tabou de leurs marges ».

Retrouver la confiance dans les avis clients

À qui se fier ? Méfiants vis-à-vis des grandes marques, les consommateurs se tournent vers les avis et les recommandations de leurs pairs. « Le ‘4,5 étoiles sur Amazon’ a remplacé le ‘vu à la TV’ », fait remarquer Grégory Pouy, podcaster et fondateur du cabinet de conseil marketing LaMercatique. À lire dans « Mythes et réalités de l’expérience client en 2018 ».

De fait, près de 8 Français sur 10 (77 %) consultent les avis des internautes avant d’acheter un produit ou un service, d’après une étude publiée début février 2018 par Pages Jaunes et OpinionWay. Le phénomène gagne tous les pans du commerce, au-delà de la vente en ligne : 69 % des Français consultent les avis en ligne pour choisir une entreprise, un professionnel ou un commerce (coiffeur, garagiste, plombier…).

Mais gare aux avis frauduleux ! 35 % des avis consultables sur Internet seraient déloyaux, d’après une enquête publiée fin 2017 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Ils émanent notamment de l’entreprise elle-même, « certains professionnels se faisaient passer pour des consommateurs dans le but de valoriser, de manière déloyale, leur entreprise ». Tous les secteurs sont concernés par ces avis frauduleux : automobile, électroménager, habillement et, bien sûr, hôtellerie et restauration.

« L’artiste du moment que tout le monde écoute, l’article partagé des milliers de fois en quelques jours ou le nouveau produit si bien noté : voilà le genre de tendances très visibles sur les réseaux sociaux... et qui peuvent être facilement manipulées », écrit le magazine Les Inrocks. Dans sa ligne de mire : les « fermes à clics ». Ces organisations frauduleuses vendent de fausses appréciations en ligne, monnayant « likes », bonnes notes et commentaires laudatifs. Elles se trouvent notamment en Chine et en Thaïlande, où elles emploient à bas coût des centaines d’employés équipés de smartphone pour publier de faux avis.

Mais le phénomène ne se cantonne pas à l’Asie. Fin janvier 2018, le procureur de New York Eric Schneiderman a ouvert une enquête contre une des entreprises spécialisées dans le trafic d’influence sur les réseaux sociaux, Devumi. Officiellement implantée à New York, elle dispose d’une base de 3,5 millions de faux comptes Twitter. Cette société propose par exemple d’acheter 250 000 abonnés Twitter pour 1 800 dollars, et vante des comptes « actifs et de haute qualité ». Elle permet aussi à ses clients d’acheter des mentions « J’aime » et des retweets sur Twitter et sur d’autres réseaux sociaux, comme YouTube ou LinkedIn, explique Le Monde.

Concernant les avis de consommateurs, une norme existe en France, édictant les bonnes pratiques à respecter : la norme NF Z74-501, mise au point par des professionnels et l’Afnor. Mais elle repose sur le volontariat, et des acteurs comme Airbnb ou TripAdvisor n’ont pas demandé la certification.

Pour renforcer la confiance dans les avis clients, une nouvelle étape est intervenue ce 1er janvier 2018 avec l’entrée en vigueur d’un décret imposant plus de transparence. Une transparence qui doit notamment portée « sur la date de publication des avis en ligne ainsi que sur les critères de classement et l’existence d’une procédure de contrôle de ces avis. »

Retrouver la confiance dans les publicités

À qui se fier ? Aux photos qui ne mentent pas ? Voire… Les dérives liées aux retouches sur Photoshop afin d’amincir un mannequin ou de gommer toute imperfection supposée sont si nombreuses qu’elles ont conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures. Un décret, publié le 1er octobre 2017, rend obligatoire la mention « photo retouchée » lorsque la silhouette d’un mannequin a été modifiée à l’aide d’un logiciel ou de tout autre moyen. Cette mention doit être « aisément lisible et clairement différenciée du message publicitaire ou promotionnel », détaille le texte. En cas de non-respect, l’amende encourue est de 37 500 euros, ou jusqu’à un tiers du budget de la campagne.

Début février 2018, Libération a fait un bilan de l’application de ce décret dans la presse magazine : si la mention « photo retouchée » semble effectivement bien présente dans les publicités concernées, elle n’est pas toujours facilement lisible, apparaissant souvent en petit…

En fait, les mesures les plus efficaces pour lutter contre les dérives de la représentation du corps féminin sont celles qui viennent des annonceurs. Les deux groupes de luxe Kering et LVMH ont adopté fin 2017 une charte commune pour interdire l’emploi de mannequins trop maigres et âgés de moins de 16 ans. Concrètement, les tailles 32 sont désormais excluent des castings de marques comme Gucci, Saint-Laurent, Dior, ou encore Vuitton. Le 2 février 2018, les magazines Elle et Version Femina ont également signé cette charte.

Ces initiatives s’inscrivent dans une tendance de fond dans la société. Aux États-Unis, on parle de « body positivisme », un mouvement qui prône l’acceptation de son corps tel qu’il est, en refusant les diktats de la publicité. En France, Damart avait surfé sur cette tendance en octobre dernier avec une campagne publicitaire dont les visuels étaient barrés d’un gros « photo non retouchée ». « Nous militons depuis des années pour une représentation de la femme au naturel. Nous avons donc saisi l’opportunité du décret pour montrer que nous ne sommes pas ringards mais dans l’air du temps. Les mannequins sur nos photos ont zéro retouche », explique au Parisien Agatha Colin, directrice de la communication de Damart.   

Retrouver la confiance dans l’utilisation des données

À qui se fier ? Parmi les sujets qui inquiètent de plus en plus les Français : l’utilisation de leurs données personnelles. Signe des temps, le magazine Le Point y consacrait sa Une fin janvier 2018 : « Données personnelles et vie privée : comment reprendre le contrôle ». Le magazine imagine même la protection des data comme pouvant être au cœur de la prochaine révolution ! Après l’insurrection républicaine à Paris en 1948, la révolution russe en 1918, la révolte de mai en 1968, l’insurgé de 2018 pourrait vouloir revendiquer la récupération de ses données personnelles dont les Gafa le dépouilleraient.

Une étude, publiée elle aussi fin janvier, par la Maif et Reputation Squad montre pourtant un grand paradoxe chez les Français. Certes, 3 personnes interrogées sur 4 se disent inquiètes quant à la sécurité de leurs données personnelles. Pourtant, s’ils sont conscients des risques, ils restent passifs et prennent peu de mesures pour protéger leur vie privée. 84 % des internautes ont le sentiment de ne divulguer que très peu d’informations personnelles… ce qui est à l’évidence très loin de la réalité. « Le service rendu par les réseaux sociaux et les applis leur semble supérieur aux risques qu’ils leur font courir », observe Romain Liberge, Chief Digital Officer de la Maif. Pour sensibiliser les Français, « l’assureur militant » a lancé un dispositif intitulé Mes Datas et Moi, comprenant un observatoire des comportements et des risques numériques, un test interactif pour évaluer son usage des réseaux sociaux, des contenus pédagogiques, etc.

En mai 2018, un big bang est attendu en Europe en matière de protection de la vie privée. Le 25 mai, ce sera l’entrée en vigueur du RGPD, règlement européen sur la protection des données, qui renforcera de façon drastique les conditions de recueil et d’utilisation des datas des internautes. En cas de non-respect de ces dispositions, des amendes importantes sont prévues, pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires ou 20 millions d’euros.

« L’échéance approche mais les entreprises ne semblent pas s’en préoccuper », s’alarme toutefois le magazine des professions juridiques Le Monde du droit. Il en veut pour preuve une étude qui montre que seules 19 % des entreprises estiment pouvoir être en conformité en mai 2018 ! Nombre d’entreprises semblent ainsi parier sur la mansuétude dans l’application de ce règlement. Mais les consommateurs seront-ils aussi indulgents ?

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