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Instagram, nouveau catalogue de Vente Par Correspondance ?

20/02/2020

Le social shopping s’affirme sur Instagram. Un tiers de ses utilisateurs auraient déjà acheté un produit en cliquant sur une pub. Et de nouvelles fonctionnalités de social commerce débarquent. Les autres réseaux sociaux ne sont pas en reste et s’imaginent aussi en marketplace, à l’instar de Pinterest dont les revenus explosent grâce à son excellent taux de conversion. Décryptage.

Quand Facebook rachète Instagram en 2012, l’application de partage de photos n’a pas de business model. Instagram a alors à peine deux ans d’existence et ne compte que 30 millions d’utilisateurs dans le monde. Mais Facebook voit le potentiel de cette appli conçue pour le mobile et accepte de la payer un milliard de dollars. Le montant surprend à l’époque. Aujourd’hui, le tableau est tout autre. Instagram a franchi le cap du milliard d’utilisateurs dans le monde (18 millions en France) et est devenue une machine à cash.

Le social shopping comme nouvelle source de revenus

D’après Bloomberg, la publicité a rapporté 20 milliards de dollars à Instagram en 2019. C’est plus que YouTube, qui a engrangé 15 milliards de dollars de pub l’an dernier. Mais la présence des marques sur Instagram ne se cantonne pas aux publicités sur les fils d’actualités et les stories : elles animent leurs propres comptes Instagram et nouent des partenariats avec des influenceurs. Près de 11 milliards de dollars pourraient être consacrés à ce marketing d’influence en 2020 (hors Chine), d’après une estimation du Monde, à retrouver dans notre article Influenceurs et marques : stop ou encore ?.

Revers de la médaille : se développe « un sentiment, très partagé, qu’Instagram s’est peu à peu transformé en catalogue géant de La Redoute », exprime le site dédié aux nouvelles technologies Korii. Et ce sentiment ne devrait pas s’atténuer en 2020, présentée par nombre d’experts comme l’année de l’envol du « social shopping ». C’est un des axes de développement d’Instagram : faciliter les commandes depuis son appli, ce qui transforme le réseau social en marketplace et en fait un concurrent d’Amazon, résume le Journal du Net.

Instagram a fait le premier pas en 2018 avec le lancement de Shopping, une fonctionnalité permettant aux marques d’identifier jusqu’à 5 produits par post et de leur attribuer un lien vers leur site e-commerce. Un utilisateur repère sur une photo un produit qui l’intéresse ? Si elle a un tag Shopping, il peut cliquer dessus, et il est renvoyé vers le site de la marque pour l’acheter.

80 marques vendent déjà grâce à Instagram Checkout

Depuis, le réseau social a lancé Instagram Checkout, qui intègre une fonction de paiement. Le premier achat nécessite de fournir son numéro de carte bancaire et son adresse de livraison. Mais ces informations sont ensuite stockées, et il devient alors possible d’effectuer une commande en quelques clics à peine, en restant dans l’application Instagram. L’expérience se veut très fluide, similaire à un achat sur Amazon.

Cette fonctionnalité Checkout est en phase de test, expérimentée par environ 80 marques aux États-Unis, selon L’Usine Digitale. Parmi les plus célèbres, Adidas, Nike, Levi’s, H&M, MAC Cosmetics, Zara, Uniqlo, Michael Kors, Prada, Ray-Ban ou encore Warby Parker. Toutes les enseignes sont sur les starting-blocks. « Le social selling est le futur de notre commerce », déclarait récemment dans Stratégies le patron du Groupe Rocher et petit-fils de son fondateur, Bris Rocher. « Les gens disent que c’est de la vente directe digitalisée, je dis que c’est du e-commerce humanisé, poursuivait-il. C’est une forme de vente directe, à la Tupperware, où l’on faisait des réunions à domicile, sauf que maintenant ces réunions – le recrutement de clientes, l’animation – se passent sur les réseaux sociaux. »

Bientôt en France ?

Il n’existe pas encore de date pour la généralisation d’Instagram Checkout et son déploiement en France. Mais rien ne semble s’y opposer tant les avantages sont nombreux, comme le soulignait Guillaume Cavaroc, Retail Manager chez Facebook/Instagram, lors d’un récent Atelier du Hub de La Poste : « Côté utilisateurs, le bénéfice est de pouvoir réaliser un achat sans friction en ne quittant pas notre plateforme, et côté marques et distributeurs, l’intérêt est d’augmenter fortement les taux de conversion et donc la performance de leurs campagnes sur nos réseaux. » Instagram Checkout permet aussi de nouer de nouveaux types de partenariats entre marques et influenceurs : au lieu de payer pour un certain nombre de publications, les marques vont pouvoir corréler la rémunération des influenceurs au chiffre d’affaires qu’ils génèrent très directement.

Pour encore plus de fluidité, et lever des freins à l’achat, Instagram travaille aussi sur la réalité augmentée. Objectif : permettre aux consommateurs d’essayer virtuellement, au travers de l’écran de leur téléphone, du maquillage, une paire de lunettes, un article de mode, ou encore positionner un meuble dans leur salon. Pour l’instant, quelques marques participent à une expérimentation grandeur nature, comme Ray-Ban qui propose aux États-Unis d’essayer virtuellement ses lunettes depuis Instagram, et bien sûr de les commander sans quitter l’application.

Un des principaux défis encore à relever semble se situer du côté du SAV. Une fois la vente effectuée, comment accompagner un client en cas de mauvaise livraison ou de produit cassé ? La solution pourrait venir des plateformes de messagerie Messenger et WhatsApp, également propriétés de Facebook. « L’IA via des chatbots est déjà capable de répondre à beaucoup de questions des clients, avance Guillaume Cavaroc. Et quand elle ne sait pas répondre, l’IA passe la main à l’humain qui traitera les questions que le chatbot n’a pas su gérer afin d’éliminer là aussi les points de friction… ».

Un tiers des utilisateurs d’Instagram auraient déjà acheté un produit en cliquant sur une pub

Comment les internautes vivent-ils cet essor du social commerce ? Sur Instagram, même si certains se plaignent de la pression commerciale, une grande part d’utilisateurs semble à l’écoute de propositions de shopping. Avant même de disposer de la fonction Checkout, plus d’un tiers des utilisateurs d’Instagram disent avoir déjà acheté au moins un produit en cliquant sur une publicité, d’après une étude publiée par Mobile Marketer en septembre 2019. Ces ventes profitent d’abord aux DNVB, les Digital Native Vertical Brands. Ces marques direct-to-consumer ont fait des réseaux sociaux leur vitrine et créent de nouvelles habitudes d’achat chez les consommateurs.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que près de 30 % des internautes utilisent les réseaux sociaux pour faire des recherches sur des produits. C’est même 32 % des 25-34 ans qui utilisent les réseaux sociaux comme un moteur de recherche pour préparer leur shopping, d’après l’étude GlobalWebIndex.

Il reste toutefois du chemin à parcourir pour que les réseaux sociaux deviennent un canal majeur de vente en ligne. D’après eMarketer, les réseaux sociaux n’ont généré que 8 % des visites pour les promos du dernier Cyber Monday, le 2 décembre 2019 aux États-Unis. Un chiffre toutefois en croissance de 17,5 % par rapport à 2018 et qui ne manquera pas de progresser. Instagram fait en effet feu de tout bois pour développer les opportunités de business sur sa plateforme. Sa branche française a lancé en ce mois de février 2020 « Instapodcast » : un podcast à destination des entrepreneurs pour leur donner des conseils afin de démarrer et développer leur activité sur Instagram. Deux fois par mois, Julie Pellet et Mélanie Agazzone, respectivement responsable du développement et directrice de la communication (en photo ci-dessus), accueilleront un entrepreneur qui a réussi sur la plateforme. Premier épisode avec Lisa Gachet, fondatrice de la marque de vêtements à faire soi-même Make My Lemonade.

Les revenus de Pinterest explosent grâce à son très bon taux de conversion

Instagram n’est pas la seule plateforme à avancer ses pions sur le terrain du social commerce. Pinterest affiche également de très fortes ambitions. Pinterest ? La plateforme est discrète, mais elle vient de devenir le troisième réseau social aux États-Unis, derrière Facebook et Instagram, mais passant devant Snapchat. Selon le rapport Digital 2020 de We Are Social, Pinterest compte plus de 10 millions d’utilisateurs en France.

Pinterest ne se présente pas comme un réseau social, mais comme « un moteur de découverte visuelle ». Ses utilisateurs viennent d’abord y chercher des sources d’inspiration et c’est ce qui intéresse les annonceurs. La plateforme l’a bien compris et multiplie les initiatives à l’attention des marques. Comme la fonctionnalité Shop The Look, équivalente à Instagram Shopping, qui permet d’insérer des liens vers un site marchand sur des produits en photo (lire notre zoom Pinterest, l’anti-Facebook qui monte en flèche chez les internautes et les marques).

En 2019, Pinterest a dépassé le milliard de dollars de revenus publicitaires, en pleine accélération : ils ont progressé de 46 % sur le dernier trimestre par rapport à 2018, souligne Adweek. Pinterest explique cet engouement par le très bon taux de conversion de ses publicités.

Aujourd’hui, même le nouveau venu TikTok envisage une partie de ses revenus futurs dans le social commerce. L’application très populaire chez les jeunes (c’est la deuxième application la plus téléchargée dans le monde en 2019) a annoncé qu’elle testait le principe de « shoppable videos ». L’utilisateur qui repère un produit qui l’intéresse dans une vidéo aura juste à tapoter sur l’écran pour être renvoyé vers un site de e-commerce. De nouvelles habitudes de consommation pourraient ainsi se prendre dès le plus jeune âge. Voilà Amazon prévenu !

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