« L’IA doit devenir plus sûre, plus transparente, plus respectueuse des droits humains fondamentaux. C’est à ces conditions qu’elle deviendra éthique », insiste Katya Lainé. Selon elle, ce n’est pas l’IA qui génère des risques, mais celui qui la met en œuvre : si l’IA paraît dangereuse, c’est donc à cause de mauvaises manipulations. « Les piliers de l’IA sont la donnée et les algorithmes, mais j’y ajoute l’humain, car c’est lui qui développe les algorithmes et décide des données d’entrée. À lui de fournir les règles et les bonnes données de départ pour que l’auto-apprentissage ne crée pas de biais ! »

Cet engagement en faveur de l’IA éthique allait de soi pour Katya Lainé, qui est née et a grandi en Bulgarie avant 1989. Elle a donc vécu la chute du mur de Berlin, la fin d’un régime et la naissance d’un autre, plus démocratique. « Avoir été jeune sous le communisme me donne une grande capacité d’adaptation à des milieux socioculturels différents, ainsi qu’une grande ouverture d’esprit : je me considère comme bulgare et française, mais surtout citoyenne du monde. Et je suis aussi la preuve qu’on peut venir en France sans réseau, créer une entreprise, et réussir ! » 

En fondant Talkr.ai il y a douze ans avec Pascal Lainé, responsable technique dans le numérique, elle poursuit l’idée de simplifier les interactions entre les entreprises et leurs clients grâce à des robots qui s’expriment en langage naturel. « Je suis diplômée d’un master de communication, il était donc naturel que je me penche sur le langage et ses fonctions ! Et je suis persuadée qu’à l’avenir, l’IA s’appuiera de plus en plus sur la voix, car il est beaucoup plus simple d’interagir avec la voix qu’avec des écrans. »

Forte de son expertise dans l’IA, Katya Lainé, qui puise son inspiration dans les parcours de femmes volontaires et déterminées comme l’infirmière britannique Florence Nightingale ou la présentatrice américaine Oprah Winfrey, s’engage en 2018 auprès de Numeum, le syndicat de l’industrie française du numérique, qui compte dans ses rangs plus de 2 500 entreprises adhérentes, soit 85 % du chiffre d’affaires du secteur. Elle y préside une commission sur l’IA éthique, qui a publié un « Guide pratique pour des IA éthiques ». « Nous voulons aider au quotidien le chef de projet, le data scientist, tous ceux qui travaillent sur des projets d’IA, et leur donner des repères concrets pour développer une IA éthique qui participe à un environnement numérique de confiance. » Cinq ans plus tard, c’est au niveau international qu’elle porte la voix de l’IA éthique, au sein du comité de pilotage du Global Partnership for IA (GPAI). Cette initiative internationale lancée en 2020 prône le développement d’une IA respectueuse des droits de l’homme et des valeurs démocratiques. « Je représente les experts de l’industrie dans un groupe de commercialisation et d’innovation. Nous coordonnons des projets qui peuvent aider la pénétration de l’IA sur tous les sujets économiques et sociétaux. »

Pour elle, la prochaine grande révolution qui va transformer la vie des individus viendra du rôle grandissant de l’IA dans la santé : « Je trouve très positif que l’on puisse se reposer sur des solutions d’IA pour détecter des maladies graves. » Quant à l’IA éthique, Katya Lainé la voit se démocratiser dans les PME, qui vont multiplier les applications dans les cinq années à venir : « Elle ne sera pas réservée à des petites équipes techniques, elle sera l’affaire de tout le monde dans la vie de tous les jours. C’est pourquoi nous travaillons pour que les entreprises utilisatrices d’IA acquièrent dès aujourd’hui les bons réflexes et les attitudes de l’IA éthique. »