Frank Rosenthal : « Il n’y a pas de commerce sans digital et pas de digital sans réseaux sociaux »

Les réseaux sociaux sont-ils les nouveaux canaux de vente et de fidélisation ? Les réponses de Frank Rosenthal, expert retail, qui a partagé sa vision lors d’un Atelier du Hub de La Poste animé par Maryse Mougin, Directeur Marketing Expérience Client. Retrouvez aussi les interventions de Facebook/Instagram et des Inrockuptibles.
Une marque peut-elle aujourd’hui se passer des réseaux sociaux ? Pour répondre à cette question, Frank Rosenthal souligne que trois d’entre eux comptent 1 milliard ou plus d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde : Facebook (2,4 milliards, dont 35 millions en France), WhatsApp (1,5 milliard, dont 20 millions en France) et Instagram (1 milliard, dont 17 millions en France). Des chiffres qui signifient que les clients des marques se trouvent forcément sur les réseaux sociaux et qu’elles ne peuvent donc se passer d’eux. « Mon point de vue est qu’il n’y a pas de commerce sans digital et pas de digital sans réseaux sociaux. » Selon une étude d’eMarketer menée en mai 2019, les deux canaux qui influencent le plus les internautes dans leurs décisions d’achat sont les sites web (pour 54 % des sondés) et les réseaux sociaux (33 %). « Les réseaux sociaux sont-ils des outils de vente ? On peut encore en débattre. En revanche, il est indéniable qu’il s’agit d’outils d’influence. »
Nordstrom et Warby Parker : deux marques qui brillent sur les réseaux sociaux
Selon Frank Rosenthal, les réseaux sociaux se positionnent comme un prolongement du magasin pour favoriser et convertir les ventes. Le digital ne s’oppose pas au magasin, il lui est complémentaire. Pour les retailers, ce constat signifie qu’ils doivent être performants sur les réseaux sociaux s’ils veulent l’être en digital et en commerce. Deux enseignes en sont de parfaits exemples : Nordstrom et Warby Parker.
Fondée à Seattle en 1901, Nordstrom – « l’équivalent des Galeries Lafayette en France » – est connue pour sa forte culture du service et son expérience client. Chez Nordstrom, 50 % des visites en magasin commencent par une session en ligne et 35 % des sessions en ligne débutent par une visite en magasin, souligne Frank Rosenthal. Pour un achat sur deux en magasin, le client utilise son mobile durant le parcours d’achat. Les ventes en ligne de Nordstrom représentent 30 % de son chiffre d’affaires (6 % seulement pour les Galeries Lafayette, même après le rachat de La Redoute) et sa culture digitale fait la part belle aux réseaux sociaux. L’enseigne compte ainsi plus de 10 millions de visiteurs uniques mensuels sur Pinterest, où elle « épingle » tous ses univers : maison, mode, beauté, etc. « Dans chaque univers, l’inspiration peut mener d’un clic à la concrétisation d’un achat », explique Frank Rosenthal.
Créée en 2010 aux États-Unis, l’enseigne d’optique Warby Parker est une vraie DNVB (Digital Native Vertical Brand) fondée sur un concept en ligne aussi simple qu’efficace : l’envoi de 5 montures chez le client qui dispose alors de 5 jours pour les essayer. Succès aidant, les fondateurs ont décidé d’aller à la rencontre de leurs clients en ouvrant des magasins. Un concept phygital qui repose sur un usage intense et précis de chaque réseau social : l’actualité de la marque et les nouveautés sont dévolues à Facebook, alors que la relation client prend place sur Instagram avec le programme « Ask Warby », qui donne les réponses aux questions que se posent les acheteurs. Bien sûr, dans les 90 magasins de la marque, les clients sont toujours invités à prendre des photos et à les partager sur les réseaux sociaux…
« Aucune marque ne devrait refuser de vendre sur les réseaux sociaux »
Interrogé sur les raisons qui empêchent encore certaines marques de concevoir les réseaux sociaux comme un canal de vente, Frank Rosenthal en dénombre trois : la première est selon lui liée à une organisation en silos de l’entreprise. « Qui de la direction digitale, du marketing ou des ventes pilotera alors ce nouveau canal ? ». Deuxième raison : la data. « Le même client peut aujourd’hui acheter vos produits en magasin, en e-commerce sur votre site ou via vos pages sur les réseaux sociaux. Comment faire pour le reconnaître si vous n’avez pas mis en place une stratégie omnicanale ? » Troisième raison : un frein culturel dans les entreprises qui perçoivent les réseaux sociaux comme des canaux d’influence plus que de vente et qui n’investissent pas assez en conséquence.
Frank Rosenthal conclut sur ce conseil : « Si vous vendez sur les réseaux sociaux, qui sont par essence des plateformes d’échanges, vous devez accepter que vos produits soient discutés, que votre expérience client soit débattue. Refuser d’y aller pour éviter les avis négatifs est contre-productif, car les clients pourront toujours s’exprimer sur d’autres canaux que votre marque ne contrôle pas… »
Interview de Frank Rosenthal
Interview réalisée lors de l’Atelier organisé par Le Hub de La Poste le 8 octobre 2019.
Bio express
Expert en marketing du commerce et conférencier, Frank Rosenthal intervient sur des problématiques de commerce pour enseignes, marques et groupes de communication, ainsi que sur les opportunités de la transformation digitale sur le commerce. Diplômé de l’Institut Européen des Affaires, il ancre tout d’abord sa carrière dans la communication dans des groupes tels que TBWA France, Tequila France ou HighCo. Spécialiste du retail, il se consacre aujourd’hui à comprendre l’évolution du retail quel que soit le secteur d’activité et l’évolution du marketing en commerce. Frank Rosenthal fonde en janvier 2008 la société Frank Rosenthal Conseil et est également l’auteur de sept ouvrages, dont « Donner du sens au commerce », « Booster le commerce » et « Mieux piloter la relation client ».